Andreeea-
| Dim 6 Déc 2020 - 10:55 | |
« Je contemple souvent le ciel de ma mémoire», Marcel Proust - XXème
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Si certains peuvent penser que le poème est une perte de temps, ils auraient raison puisqu'une réflexion sur le temps est présente. Non seulement c'est une perte de temps, mais c'est le temps qui est perdu si l'on en refère à l'œuvre narrative la plus célèbre de Proust que je n'ai même plus besoin de nommer. Mademoiselle -The-Miss a particulièrement aprécié l'intensité du poème. Elle a relevé entre autres l'intensité de l'antithèse "d'un feu triste ou joyeux". De plus, cette antithèse participe à une métaphore flamboyante, littéralement. L'étoile, en tant que boule de gaz, intensément calorifère, participe indirectement à cette métaphore traduisant le désir et l'intensité passionnelle. L'étincelle, au paragraphe d'après, lie ces deux dimensions du feu et de l'éphémère, comme l'a souligné praesidens. Ce feu crépitant ne dure pas, mais autant qu'il dure, il s'élance vers l'extérieur et donne une forte lumière, une forte chaleur susceptible de créer un brasier.
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La comparaison virginale n'est pas à prendre en son sens concupiscent mais en son sens de pureté. La pureté divine, plus précisément, puisqu'il s'agit d'un poème qui a le désir de s'élever jusqu'au firmament comme en témoigne l'allusion aux constellations, aux étoiles, au cosmos tout entier. La neige, en élément naturel, fait d'ailleurs partir de ce monde naturel et harmonieux. Le temps, lui-même, est une création originelle, qui n'a d'ailleurs pas pu être altérée par l'Homme contrairement à d'autres éléments naturels. Ce passage sur les constellations est à rapprocher, selon L3apin, du paragraphe "Amitié d'astres" dans 4ème livre du Le Gai Savoir de Nietzsche. Ce lecteur a également souligné la comparaison de la mort au sommeil, ou plutôt dans ce cas, du sommeil à la mort. Soulever la notion se mort en un sommeil éternel est fréquent mais cela ajoute une touche féerique à la mort, plus enfantin. C'est d'ailleurs ce genre d'explication enjolivée qui est donnée aux enfants pour ne pas affronter la réalité trop tôt.
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L'insistance sur les yeux peut paraître étrange ou enjoliveuse selon le lecteur. Un adage dit d'ailleurs, comme l'a souligné -The-Miss, "les yeux sont les miroirs de l'âme". À cet égard, ces trois strophes du poème peuvent être rapprochée de l'œuvre cinématographique Big Eyes. Ce film narre la vie d'une peintre peignant toujours les yeux en grand parce que selon elle, ils sont révélateurs de bien des choses. Or, son mari lui a volé sa notoriété d'artiste et s'est revendiqué peintre à sa place. C'est donc un combat autant féministe qu'artistique qui se déroule ainsi mais, ce qui nous intéresse, c'est le choix artisitique d'avoir mis l'accent sur les yeux dans absolument toutes ses œuvres. Outre cette instance, une métaphore maritime débute, métaphore très classique encore une fois mais très expressive.
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La comparaison à la nuit de Mai est à prendre au pied de la lettre, comme une métaphore morte. Ricœur fait la différence entre métaphore morte et métaphore vive. Celle qui est morte, c'est celle qui a été faite et refaite, trop usuelle, connue de tous et faisant référence au monde sensible. Celle qui est vive, au contraire, fait référence à une dimension inconnue tant elle essaie de souligner l'inconnu. Par la comparaison, c'est un entre-deux totalement nouveau qui s'éveille et qui vit. Or, la nuit de Mai, c'est simplement une nuit étoilée, sans nuages, avec une nuit plus chaude que celles de l'hiver. Mais comme le souligne praesidens, peu importe qu'elle soit morte ou vive, tant qu'elle plaît. Et c'est d'ailleurs la simplicité de la métaphore qui peut éveiller le plaisir esthétique.
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Ces trois dernieres strophes forment une unité syntaxique et chaque strophe n'est pas isolée par son unité phrastique. La phrase continue, il y a un enjambement entre les strophes, ce qui crée une discordance du point de vue poétique. Cette discordance s'oppose à la notion de concordance, mais elle est très fréquente chez les modernes. Dès lors, retrouver un tel modernisme n'est pas étonnant pour un écrivain tel que Proust, bravant les codes littéraires à la recherche d'une audace satisfaisante.
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